Introduction et Éthique

3. Éthique et légalité dans l’investigation en source ouverte

Éthique et légalité dans l’investigation en source ouverte

Pratiquer l'Open Source Intelligence (OSINT) ne se résume pas à manier des outils de collecte ou à compiler des données en ligne : c'est aussi et surtout évoluer dans un cadre juridique et éthique complexe. Contrairement à certaines idées reçues dans les milieux tech ou hacker, l’OSINT ne s’exerce pas en dehors des lois — bien au contraire.

En France, et plus largement en Europe, la pratique de l'OSINT est encadrée par une mosaïque de textes juridiques, sans qu'il n’existe à ce jour de cadre législatif unifié spécifiquement consacré à cette activité. C’est donc au praticien OSINT de maîtriser le droit applicable et de faire preuve de rigueur éthique dans toutes ses démarches.


L’OSINT : une pratique légale par principe

Premier point fondamental : rien dans le droit français n’interdit en soi la pratique de l'OSINT. Il est tout à fait licite pour une personne physique ou morale de consulter des sources ouvertes et d'en compiler les informations, sous réserve de respecter :

  • le droit des données personnelles,

  • le respect de la vie privée,

  • les règles de propriété intellectuelle,

  • les conditions d’accès et d’utilisation des plateformes.

Cela confère à l’OSINT une souplesse d’application qui en fait aujourd’hui un outil largement adopté.


Le traitement des données personnelles

Le traitement des données personnelles dans le cadre de l'OSINT est l’un des points de vigilance majeurs.

Le praticien doit s’interroger :

  • Quelle est la finalité de la collecte ?

  • Sur quelle base juridique repose-t-elle ? (exemple : intérêt légitime, consentement, obligation légale)

Exemples pratiques :

  • Une entreprise souhaitant réaliser une enquête interne dans le cadre de la loi Sapin II (alertes professionnelles) pourra légitimement recourir à un prestataire OSINT dans un cadre sécurisé et documenté.

  • Un généalogiste mandaté par un notaire dispose de droits spécifiques pour accéder à certains registres d’état civil.

Dans tous les cas, le RGPD impose des règles strictes :

  • Minimisation des données collectées,

  • Respect du droit à l’information,

  • Proportionnalité des traitements,

  • Documentation des finalités.

Le recours à un prestataire OSINT doit donc faire l’objet d’un contrat clair, intégrant des clauses de confidentialité renforcées et de respect des droits des personnes concernées.


Cas d’usage dérogatoires et pratiques spécifiques

Certaines pratiques proches de l'OSINT sont encadrées par des textes particuliers :

  • La généalogie successorale est soumise à des règles précises pour l'accès aux archives publiques et registres.

  • Les professions réglementées (détectives privés, notaires…) disposent de prérogatives spécifiques pour la recherche de preuves.

Dans ces contextes, la pratique de l'OSINT ne peut se substituer à ces procédures — elle doit les compléter en restant dans le cadre autorisé.


Ce qui est interdit

L’absence d’un "code de l’OSINT" ne signifie pas que tout est permis. Voici quelques zones interdites à bien intégrer :

  • Collecter des informations par des moyens frauduleux (ex : usurpation d’identité, prétexting).

  • Exploiter des bases de données piratées ou publiées illégalement (même si accessibles en ligne).

  • Accéder à des ressources protégées par mot de passe sans autorisation.

  • Violer sciemment les CGU de plateformes (ex : scraper massivement un réseau social sans autorisation explicite).


La recevabilité des preuves issues de l’OSINT

Autre point délicat : même si la collecte d’une information est légale, son utilisation comme preuve en justice n’est pas automatique.

Les conditions de recevabilité sont strictes :

  • La collecte doit respecter la vie privée.

  • L’intégrité de la preuve doit être garantie.

  • La chaîne de traçabilité doit être documentée.

  • L’information ne doit pas avoir été obtenue par ruse ou coercition.

Dans certaines affaires, la jurisprudence a admis l'utilisation de techniques OSINT lorsque les principes ci-dessus étaient respectés. Mais inversement, des preuves collectées par des moyens déloyaux ont été écartées.


La posture éthique du praticien OSINT

Au-delà du respect formel du droit, le praticien OSINT doit cultiver une éthique professionnelle forte.

Règles essentielles :

  • Ne jamais chercher à "piéger" une cible.

  • Ne pas exposer publiquement des informations sensibles sans motif légitime.

  • Respecter la vie privée même lorsque la loi autorise l’accès à certaines données.

  • Toujours évaluer les conséquences potentielles de la diffusion des informations collectées.

Le respect de la vie privée ne se mesure pas uniquement en termes juridiques : il engage aussi la responsabilité morale de l’enquêteur.


En synthèse

La pratique de l’OSINT est parfaitement licite — à condition de :

  • respecter les droits fondamentaux,

  • se conformer au RGPD,

  • connaître les régimes juridiques spécifiques applicables à certaines informations,

  • garantir l’intégrité et la loyauté de ses méthodes.

L’OSINT n’est pas une zone de non-droit : c’est une discipline exigeante, qui impose de conjuguer rigueur juridique, sens éthique et maîtrise technique — pour produire un renseignement fiable, légitime et responsable.